Quand la journaliste de SCARLETTE Magazine m’a posé une questions concernant mes inspirations, j’ai répondu du tac au tac sur les couleurs franches, vives et les grands motifs que je retrouve dans le wax.
Mais une fois rentrée chez moi, dans une crise de rangement subite, je me suis retrouvée avec un pot en terre entre les mains. En regardant cet objet, que j’ai sous les yeux depuis de nombreuses années, le passé est revenu et le présent s’est éclairé.
Je devais avoir 14 ou 15 ans et naviguais, grâce à mes parents, dans le milieu des antiquaires et artistes en tout genre.
Un ami de la famille, Manu, antiquaire également, s’était pris de passion pour l’Afrique de l’Ouest où il entreprit de nombreux voyages. Il en rapportait toujours de drôles d’objets, de magnifiques sculptures et, surtout, des histoires fabuleuses.
Je me rappelle du Mali, de ses rencontres en pays Dogon, des villages nichés aux pieds des falaises de Bandiagara, des croyances, des mythes et des légendes…
J’avais toujours rêver de l’Afrique, mais à partir de là, je me suis mise à fantasmer le Mali, la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Sénégal et tous ces pays aux noms magiques.
J’étais fascinée par ces objets et sculptures venus du fond des âges, dépositaires de sagesses ancestrales, magiques et surréalistes. Ils forcent le respect et nous ramènent aux racines des civilisations et de la terre.
Ce que nous, européens, considérons comme œuvre d’art, est, sur le continent africain, à vocations religieuses ou politiques, sinon possède une fonction utilitaire de la vie quotidienne.
J’ai passé ma vie à rêver cette Afrique authentique. Je me suis vue descendre la fleuve Niger, en pirogue, entre Bamako et Tombouctou, traire les vaches des grands troupeaux Peuls, teindre à l’indigo les cotons blancs, transformer la terre brute en poteries…
Je n’ai jamais pu me rendre dans ces pays qui m’ont tant fait rêver et les évolutions politiques de ces dernières années ne sont pas faites pour me rassurer. Alors aujourd’hui je souhaite garder en moi cette Afrique ancestrale, celle où les êtres humains se contentaient du nécessaire, se soutenaient, se respectaient et où tous croyaient encore à la magie, aux âmes et aux ancêtres…
Ce pot en terre, que j’ai entre mes main, c’est Manu qui me l’a rapporté à cette époque. Il était accompagné d’un wax vert, acheté sur le marché de Bamako.
Ce pot a suivi tous mes déménagements et a, maintenant, sa place dans mon atelier.
Le pagne est resté longtemps à l’état de pagne, de peur de gâcher ce beau tissu, puis un jour il est devenu une jupe, un sac, et, aujourd’hui, se glisse tout les soirs dans mes lectures sous forme de marque page…
Merci à toi, Manu, de m’avoir apporté ce bout d’Afrique que tu as rencontré et d’avoir planté en moi cette petite graine qui, tel le baobab, 30 ans plus tard, donne ses premiers fruits.
» Aller doucement n’empêche pas d’arriver » (proverbe nigérian)
Aujourd’hui, Emmanuel Vimal est, en compagnie de Francesca Berni, à l’origine de SAMARKANDE,
caravansérail d’artistes et d’artisans.